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Rubén Blades en 2011


La complainte de Mackie


Louis Amstrong - Mack de knife


Chico Buarque - O malandro


l'album Siembra


rue de Harlem, années 70


smith & wesson 38 spécial




Rubén Blades & Willie Colon en 1978


West side story

PEDRO NAVAJA, SALSA MYTHIQUE

Avec plus d’un million d’exemplaires écoulés, "Pedro Navaja" n’est pas seulement le plus grand succès de Rubén Blades, artiste panaméen aux multiples facettes : il s’agit tout simplement de la plus grosse vente de salsa de tous les temps.

La chanson s’inspire de "La complainte de Mackie", qui ouvre "L’opéra de quat’sous" composé en 1928 par Kurt Weill et Bertolt Brecht (voir la vidéo #1 à droite —>).

Traduite en anglais sous le titre "Mack the knife", elle sera interprétée en 1956 par Louis Armstong (voir la vidéo #2 à droite —>) et deviendra un standard du jazz, plus tard repris par les plus grands artistes nord-américains (Bobby Darin, Ella Fitzgerald, Frank Sinatra ...).

La complainte de Mackie sera également reprise en français et en portugais (dans le cadre d’une adaptation intégrale de l’opéra que l’on doit au Brésilien Chico Buarque, (voir vidéo #3 à droite —>)

"Pedro Navaja" constitue une suite, version salsa, de ce morceau universel.
La chanson reste fidèle à l’originale, car elle raconte (par la voix d’un témoin qui parle à la première personne) une scène de rue conclue par la fin tragique des protagonistes, un petit truand latino et une prostituée.

Mais si Rubén Blades s’inscrit dans la tradition, il innove aussi sur certains aspects.

D’abord, il donne pour cadre à la chanson le New York contemporain, une ville qu’il connaît pour y avoir séjourné plusieurs fois dans sa jeunesse.
Sans doute parce qu’à l’époque où il compose le morceau (1978) cette ville est l’archétype de la mégalopole moderne où sont concentrées les difficultés sociales.
Peut-être aussi parce que c’est une ville "melting-pot" par excellence, qui correspond assez bien à l’identité multi-culturelle de l’auteur (né au Panama d’une mère hispano-colombienne elle-même née à Cuba, et d’un père anglais lui-même né en Colombie).

Et, surtout, c’est la première fois qu’une salsa véhicule à ce point un message social : en mettant en exergue la banalité du crime et l’indifférence des témoins, en sous-entendant les difficultés liées à l’immigration, et tout cela sur un ton fataliste, la chanson réveille les consciences des latinos de tous pays.
Elle devient un classique pour toute une génération, et sera reprise ou parodiée à maintes reprises.
Quant à Pedro Navaja, il s’imposera comme une figure incontournable de la mythologie populaire latino américaine, et inspirera à son tour de nombreux artistes (il est notamment le personnage principal d’un film et d’une comédie musicale éponymes).

Le militantisme social de Rubén Blades se confirmera par un engagement politique qui le conduira à briguer (sans succès) la présidence du Panama lors de l’élection de 1994. Il supportera néanmoins Martín Torrijos lorsqu’il accède aux plus hautes fonctions du pays en 2004.

 

 

 

PEDRO NAVAJA1
Paroles & musiques Rubén Blades
Sur l’album "SIEMBRA", enregistré avec l’orchestre de Willie Colon

     
Por la esquina del viejo barrio lo vi pasar,
con el tumba’o que tienen los guapos al caminar,
las manos siempre en los bolsillos de su gabán,
pa’ que no sepan en cuál de ellas lleva el puñal.
  Au coin de la rue du vieux quartier2 je l’ai vu passer
avec le balancement qu’ont les caïds3 quand ils marchent,
les mains toujours enfoncées dans les poches de son caban,
pour qu’on ne sache pas dans laquelle il a son poignard.
     
Usa un sombrero de ala ancha de medio la’o,
y zapatillas por si hay problemas salir vola’o,
lentes oscuros pa’ que no sepan qué está mirando,
y un diente de oro que cuando ríe se ve brillando.
  Il porte incliné un chapeau à large bord,
et des espadrilles pour s’envoler en cas de problème,
des lunettes noires pour qu’on ne sache pas ce qu’il regarde,
et une dent en or qu’on voit briller quand il rit.
     
Como a tres cuadras de aquella esquina una mujer,
va recorriendo la acera entera por quinta vez,
y en un zaguán entra y se da un trago para olvidar,
que el día está flojo y no hay clientes pa’ trabajar.
  A environ trois rues de là une femme,
fait les cent pas sur le trottoir pour la cinquième fois,
elle entre sous un porche et boit un coup pour oublier,
que c’est un jour sans et qu’il n’y a pas de clients pour bosser.
     
Un carro pasa muy despacito por la avenida,
no tiene marcas pero to’s saben que es policía.
Pedro Navaja las manos siempre dentro ’el gabán,
mira y sonríe y el diente de oro vuelve a brillar.
  Une voiture passe très lentement sur l’avenue,
rien ne la distingue mais tout le monde sait que c’est la police.
Pedro Navaja les mains toujours dans les poches,
regarde et sourit et la dent en or se remet à briller.
     
Mientras camina pasa la vista de esquina a esquina,
no se ve un alma está desierta to’a la avenida,
cuando de pronto esa mujer sale del zaguán,
y Pedro Navaja aprieta un puño dentro ’el gabán.
  Pendant qu’il marche il scrute chaque rue et chaque recoin,
il n’y a pas âme qui vive toute l’avenue est déserte,
quand soudain cette femme sort de sous le porche,
et Pedro Navaja sert un poing dans le caban.
     
Mira pa’ un lado mira pal’ otro y no ve a nadie,
y a la carrera pero sin ruido cruza la calle,
y mientras tanto en la otra acera va esa mujer,
refunfuñando pues no hizo pesos con qué comer.
  Il regarde d’un côté, il regarde de l’autre et ne voit personne,
et en courant mais sans bruit il traverse la rue,
tandis que sur l’autre trottoir se trouve cette femme,
maugréant car elle n’a pas gagné de ronds pour manger.
     
Mientras camina del viejo abrigo saca un revólver,
esa mujer
iba a guardarlo en su cartera pa’ que no estorbe,
un trenta y ocho Smith & Wesson del especial,
que carga encima pa’ que la libre de todo mal.
  Pendant qu’elle marche, elle sort de son vieux manteau un revolver,
cette femme
elle allait le ranger dans son sac à main pour ne pas qu’il la gêne,
un Smith & Wesson, calibre 38, série spéciale,
qu’elle porte sur elle pour la protéger de tout mal.
     
Y Pedro Navaja puñal en mano le fue pa’ encima,
el diente de oro iba alumbrando to’a la avenida,
mientras reía el puñal le hundía sin compasión,
cuando de pronto sonó un disparo como un cañon.
  Et Pedro Navaja, poignard en main, lui sauta dessus,
la dent en or illuminant toute l’avenue,
tout en riant il la poignardait sans aucune pitié,
quand tout à coup résonna un coup de feu, comme un coup de canon.
     
Y Pedro Navaja cayó en la acera mientras veía, a esa mujer,
que revólver en mano y de muerte herida a él le decía :
"Yo que pensaba : hoy no es mi día estoy sala’,
pero Pedro Navaja tú estás peor, tú estás en na’ "
  Et Pedro Navaja tomba sur le trottoir en voyant cette femme,
qui, revolver en main et blessée à mort, lui disait :
"Et moi qui pensait : ce n’est pas mon jour, je suis vernie,
mais pour toi Pedro Navaja c’est pire, tu n’as rien vu venir.
     
Y créanme gente que aunque hubo ruido nadie salió,
no hubo curiosos, no hubo preguntas, nadie lloró,
sólo un borracho con los dos cuerpos se tropezó,
cogió el revólver, el puñal, los pesos y se marchó.
  Et croyez-moi, malgré le boucan personne n’est sorti,
il n’y eut pas de curieux, pas de questions, personne ne pleura,
seulement un ivrogne qui trébucha sur les deux corps,
ramassa le revolver, le poignard, le pognon et poursuivit son chemin.
     
Y tropezando se fue cantando desafina’o,
el coro que aquí les traje y da el mensaje
de mi canción :
  Et en trébuchant il s’en fut chantant faux,
le refrain qu’ici je vous apporte et qui est le message
de ma chanson :
     
La vida te da sorpresas, sorpresas te da la vida
ay Dios ...
  La vie te réserve des surprises, des surprises la vie te réserve
ah mon Dieu ...
     
La vida te da sorpresas, sorpresas te da la vida ay Dios ...
Pedro Navaja matón de esquina,
quien a hierro mata, a hierro termina.
  La vie te réserve des surprises, des surprises la vie te réserve ah mon Dieu ...
Pedro Navaja tueur de rue,
qui vit par l’épée périra par l’épée.
     
La vida te da sorpresas, sorpresas te da la vida
ay Dios ...
Maleante pescador, mal anzuelo que tiraste,
en vez de una sardina, un tiburón enganchaste.
  La vie te réserve des surprises, des surprises la vie te réserve
ah mon Dieu ...
Mauvais pêcheur, qui a lancé un mauvais hameçon,
au lieu d’une sardine tu as pris un requin.
     
I like to live in America.   J’aime vivre aux Etats-Unis.4
     
La vida te da sorpresas, sorpresas te da la vida
ay Dios ...
Ocho millones de historias tiene la ciudad de Nueva York.
  La vie te réserve des surprises, des surprises la vie te réserve
ah mon Dieu ...
Il y a huit millions d’histoires à New York.
     
La vida te da sorpresas, sorpresas te da la vida ay Dios ...
Como decía mi abuelita, el que de último rie, se rie mejor.
  La vie te réserve des surprises, des surprises la vie te réserve ah mon Dieu ...
Comme disait ma grand-mère, rira bien qui rira le dernier.
     
I like to live in America.   J’aime vivre aux Etats-Unis.
     
La vida te da sorpresas, sorpresas te da la vida
ay Dios ...
Cuando lo manda el destino, no lo cambia ni el más bravo.
Si naciste pa’ martillo del cielo te caen los clavos.
  La vie te réserve des surprises, des surprises la vie te réserve
ah mon Dieu ...
Chacun son destin, même le plus brave ne peut le changer.
Si tu es né marteau les clous te tomberont sur la tête.
     
La vida te da sorpresas, sorpresas te da la vida
ay Dios ...
En barrio de guapos cuida’o en la acera.
Cuida’o camara’ que el que no corre vuela.
  La vie te réserve des surprises, des surprises la vie te réserve
ah mon Dieu ...
Dans un quartier de caïds attention sur le trottoir.
Prends garde camarade celui qui ne court pas vole.
     
La vida te da sorpresas, sorpresas te da la vida
ay Dios ...
Como en una novela de Kafka el borracho dobló por el callejon.
  La vie te réserve des surprises, des surprises la vie te réserve
ah mon Dieu ...
Comme dans un roman de Kafka l’ivrogne a tourné dans la ruelle.
     
La vida te da ...   La vie te réserve ...
     
En la ciudad de Nueva York dos personas
fueron encontradas muertas.
Esta madrugada los cuerpos sin vida de Pedro Barrios
y Josefina Wilson fueron hallados ...
  Dans la ville de New York deux personnes
ont été retrouvées mortes.
Ce matin les corps sans vie de Pedro Barrios
et Joséphine Wilson ont été découverts ...
     

1 Soit "Pedro la lame" ou "Pedro le surin", terme qui renvoie (volontairement ?) au nom de l’auteur ("blades" signifie également "lames" en anglais).
2 Le vieux quartier : Harlem.
3 Au sens premier, le terme "guapo" signifie "beau" (un guapo = un beau gosse), ici il est pris dans le sens argotique d’homme querelleur, courageux.
4 Allusion à la comédie musicale West Side Stroy qui se déroule également à New York.